Pour lever toute ambiguïté immédiatement, cet article n’a pas vocation à défendre le glyphosate, ni à prôner son utilisation.
Introduction
Pourquoi écrire un n-ième article sur le glyphosate ? Y a-t-il besoin de rappeler encore et toujours les mêmes choses à son sujet ?
C’est LE scandale du moment, les médias se déchaînent dessus, les politiques débattent… L’opinion publique est majoritairement contre, et les articles démontant les mauvaises informations au sujet du pesticide sont pourris de commentaires imposant leur subjectivité, qui restent hermétiques aux résultats scientifiques les plus solides.
Alors un article de plus, ça ne fera pas de mal.
De quoi parle-t-on ici ?
Classification et politiques
On commence par ce qui est le plus répandu dans les médias : la classification du CIRC du glyphosate en « cancérogène probable pour l’homme » (2A), qui cache beaucoup de choses.
De plus, la classification 2A du glyphosate est sûrement erronée, car le président de la commission du CIRC a avoué sous serment qu’une étude prospective d’ampleur (voir plus loin) ne révélant aucun problème de santé dû au glyphosate avait été écartée à tort lors de la discussion, alors que la commission en avait connaissance. Selon lui, la classification aurait été plus favorable si elle avait été prise en compte.
Mais ce consensus est largement ignoré, comme l’a mis en évidence une revue médiatique : sur 81 articles de presse de médias français, le CIRC est cité 30 fois, contre 11 et 10 pour l’EFSA et l’ECHA, qui font parties des agences favorables. Hormis 2 autres citations d’agences, rien de plus.
Toutes ces agences se basent sur l’ensemble de la littérature scientifique et des données existantes sur le glyphosate, c’est donc un consensus actuel très robuste.
Pour le glyphosate, le consensus conclut à l’innocuité du produit, et l’opinion publique est manipulée, avec moins d’argent en jeu mais tout autant d’efficacité, par les industries du bio et les ONG.
En France, tous les partis politiques sont évidemment contre le glyphosate. Nous ne ferons pas de procès d’intention, aussi nous ne pouvons dire si c’est par populisme ou si réellement, ils sont dans l’ignorance des dernières conclusions scientifiques.
Les médias de droite s’affichent volontiers pro-glyphosate, et leurs arguments sont d’ordre économique.
Monsanto
Le nom du géant Monsanto revient souvent lorsqu’on parle du glyphosate, ainsi que celui du Round’Up.
L’hégémonie du glyphosate, quoi qu’on en pense, n’est aujourd’hui pas due à Monsanto, mais à son efficacité, à sa très faible toxicité (on y reviendra) et à ses avantages en agriculture (on y reviendra aussi). Car oui, le brevet du glyphosate étant public depuis 2000, n’importe qui peut en produire et en acheter, et personne ne peut contraindre à en utiliser. Pour paraphraser le principe sous-jacent de l’évolution en biologie, on peut dire que les produits les plus adaptés aux besoins des marchés et des cultures humaines survivent et connaissent le succès !
Il n’y a donc pas eu de ghostwriting. En fait, sur plus de 1000 études, seules 4 sont potentiellement douteuses, mais elles déclarent leur conflit d’intérêt.
C’est juste un peu exagéré, car sur 4300 pages du rapport de l’EFSA, 100 ont été reprises du rapport de la Task Force, mais commentées et modifiées, et une partie était occupée par des listes de références et des abstracts.
Santé humaine
Même si elle a été démontée de nombreuses fois, il est toujours bon de revenir brièvement sur l’étude de 2012 de Gilles-Eric Séralini. Ce chercheur avait prétendu démontrer la cancérogénécité du glyphosate en nourrissant des rats au Round’Up. Il a pu observer se développer des tumeurs presque aussi grosses que les rats qui les portaient.
Outre les graves manquements aux normes d’éthique animale, son étude est farcie de défauts qui l’invalident complètement.
- Statistiquement, le nombre de rats était trop faible
- Le nombre de variables trop important pour discriminer quoi que ce soit
- La souche de rat de l’étude est connue pour développer spontanément des tumeurs
- Le mot « cancer » n’est jamais employé dans l’étude
Après évaluation, l’AESA, la BfR, l’ANSES, le HCB et les six académies françaises (Agriculture, Médecine, Pharmacie, Sciences, Technologies, Vétérinaire) ont donné un avis défavorable à cette étude.
Permettons-nous de préciser que l’étude était financée par Carrefour. Nous ne pouvons utiliser cela comme une preuve de quoi que ce soit, mais si on accepte que les scientifiques financés par Monsanto sont influencés dans les interprétations des résultats, alors on doit accepter que Séralini l’a été par Carrefour. Et Carrefour, comme tous les industriels de l’alimentaire, a un marché conséquent à saisir dans le bio.
C’est à ce jour l’étude épidémiologique la plus grande et la plus complète qui ait été réalisée, et ses résultats sont en accord avec le reste de la littérature scientifique concernant les impacts du glyphosate sur la santé humaine.
Se rajoutent à cela les études AGRICAN et Agricultural Health Study, qui se concentrent sur la santé des agriculteurs et montrent qu’ils ont en général moins de cancers et vivent plus longtemps que le reste de la population.
Dans plusieurs pays d’Amérique du Sud, le glyphosate est épandu par avion, trop près des habitations. Les populations ont eu de nombreux problèmes de santé, comme de l’asthme, liés aux aérosols. Il n’y a actuellement pas de preuve que le glyphosate soit directement responsable de ces maux.
Impacts écologiques
La biodégradabilité du glyphosate n’est pas parfaite mais relativement bonne dans des sols riches (demi-vie de 4 à 189 jours). C’est son utilisation sur des sols « morts » (comme en viticulture ou en milieu urbain) qui participe le plus à sa dispersion dans les écosystèmes.
Il est responsable, selon le ministère de la santé, de 3% des occurrences de passage en catégorie NC2 (concentration arbitraire « impliquant des risques si maintenue longtemps ») de la qualité de l’eau du robinet, 6ième derrière l’atrazine à 65%.
Mais alors pourquoi n’utiliser que ce produit ? Encore une fois, parce qu’on n’a pas trouvé mieux jusqu’à maintenant. Il faut tenir compte des services rendus, et le glyphosate en rend beaucoup.
Selon l’INRA, ce type de culture obtient de meilleurs rendements que l’agriculture biologique, et de meilleurs résultats dans l’amélioration des sols, au niveau de la macro-faune, des nématodes et des micro-organismes.
Plusieurs études se sont concentrées sur les impacts environnementaux négatifs du glyphosate, en tant que polluant. Malgré ses records d’utilisation, il ne semble contribuer que faiblement à la pollution générale.
On pourrait arguer alors que tout risque et toute nocivité doivent être évités. C’est ne pas réaliser que le glyphosate, dans le contexte agricole actuel, sera obligatoirement remplacé, pour que les services qu’il rend soient assurés. Or, comme on l’a dit, il n’a pas de produit concurrent en efficacité et faible toxicité.
Questions d’opinion
En regard de toutes ces informations, on se demande pourquoi la presse, l’opinion publique et les politiques voient toujours d’un si mauvais œil le glyphosate.
Pour émettre un jugement, nous avons besoin d’informations, de beaucoup d’informations. Or ces informations peuvent être difficiles à obtenir, à comprendre, à mettre en relation. Elles peuvent aussi être fausses, qu’elles soient relayées honnêtement ou non, ou tout simplement erronées, la science n’étant pas infaillible.
Il ne s’agit pas de se soumettre à un supposé dogme scientifique ou à des autorités supérieures. Si la recherche scientifique est accessible à n’importe qui s’en donnant les moyens, elle ne fait pas appel à l’opinion et aux préférences de chacun.
Les technologies comme les pesticides de synthèse font peur car on les connaît généralement mal, et on leur préfère d’emblée quelque chose de « naturel ». Naturel ou synthétique, les deux sont chimiques, et les termes n’ont pas de valeur en soi. Beaucoup de médicaments sont parfaitement synthétiques (comme l’aspirine), et des produits naturels peuvent être très toxiques : tout le monde connaît l’exemple de la bouillie bordelaise, un pesticide utilisé en agriculture biologique.
L’agriculture biologique regroupe un large panel de pratiques plus ou moins écologiques qu’on ne peut pas mettre dans le même panier. L’industrie exploite notre attirance pour des concepts flous, causée par une méconnaissance de ce qui se fait, tant en agriculture biologique que conventionnelle.
Conclusion
Par manque de documentation, nous ne pouvons fournir ici que de maigres pistes du changement vers une agriculture durable et écologique. Les liens sont en bas.
Cherchons les solutions prometteuses, et donnons-leur une chance, sans faire de déni de science ni de bon sens !
Les (maigres) pistes d’alternatives agricoles :
- Vidéo sur l’agroécologie
- Site de la Local Roots Farm, ferme urbaine à économie d’eau (99%)
Les agences sanitaires favorables au glyphosate :
- OMS et FAO (Food and Agricultural Organization)
- ANSES (Agence National française de Sécurité Sanitaire de l’alimentation)
- ECHA (Agence européenne des produits chimiques)
- APVMA (Autorité australienne des pesticides et médicaments vétérinaires)
- FSCJ (Commission japonaise de sécurité des aliments)
- US EPA (US Environmental Protection Agency)
- NZ EPA (New-Zealand Environmental Protection Agency)
- BfR (Institut fédéral allemand d’évaluation des risques)
- BauA (Institut fédéral allemandpour la sécurité et la santé au travail)
- PMRA (Pest Management Regulatory Agency Canada)
- RDA (Administration du développement rural de Corée du Sud)
- AESA (Autorité européenne de sécurité des aliments)
Nos autres sources :
http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article1850
http://www.bunkerd.fr/greenpeace-manipule/
https://blogs.mediapart.fr/pierre-yves-morvan/blog/111017/glyphosate-saucisson-et-trump
http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article2596
http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article1945
http://menace-theoriste.fr/le-principe-de-precaution-la-prudence-nest-pas-une-fin-en-soi/
https://sciencetonnante.wordpress.com/2017/11/12/glyphosate-le-nouvel-amiante/
https://www.facebook.com/LeBunkerD/posts/1918506958414521
https://theierecosmique.com/2017/11/28/glyphosate-comment-en-est-on-arrive-la/
http://imposteurs.over-blog.com/2017/12/glyphosate-le-nouveau-ddt-par-jerome-quirant.html
http://chevrepensante.fr/2017/12/09/glyphosate-un-echec-mediatique-analyse/
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-25719-chiffres-pesticides-cours-eau.pdf
https://www.franceinter.fr/emissions/affaires-sensibles/affaires-sensibles-08-mars-2017
Alors ce n’est pas Carrefour mais Auchan qui a financé Séralini à hauteur de 2,2 millions d’€
http://alerte-environnement.fr/2013/01/14/marketing-bio-chez-auchan-suite-logique-de-letude-de-ge-seralini/
Pour aller plus loin
https://www.agriculture-environnement.fr/2013/01/07/la-part-d-ombre-du-professeur849
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Vous pouvez aussi ajouter l’enquête du FBI suite aux Monsanto papers où on apprend que l’expert « indépendant » Christopher Portier intervenu auprès du CIRC pour classer le glyphosate « probablement cancérigène » a touché 160 000$ de la part de deux cabinet d’avocats en procès contre Monsanto. Bref la seule agence qui a classé le glyphosate comme cancérigène probable est la seule où il y a une enquête et comme aucun média n’en parle cela en dit long sur nos journalistes.
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Merci de cet ajout, pouvez-vous fournir un lien ?
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Le lien d’origine à propos de Portier, à ma connaissance :
https://risk-monger.com/2017/10/13/greed-lies-and-glyphosate-the-portier-papers/
un autre lien intéressant à propos de l’expertise CIRC (= IARC) :
https://www.reuters.com/article/rpb-foreignpressassociation/reuters-wins-journalism-awards-from-foreign-press-association-and-american-association-for-the-advancement-of-science-idUSKBN1DM1GN
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