Une pratique se répand sur internet. De plus en plus fréquente, celle-ci lutte contre les fausses informations appelées hoax ou intox. Elle est connue sous le nom de debunking, debunkage ou plus généralement le debunk, ainsi que ses multiples dérivés. Mais qu’est-ce précisément et pourquoi une telle pratique ?

Qu’est-ce que donc ?

Le mot debunk est un anglicisme (enfin je crois) qui se traduit différemment selon les dérivés du mot (selon Google traduction) :

debunk :

  • discréditer
  • tourner en ridicule

debunking :

  • démystifier
  • discréditer

Son usage actuel peut nous permettre de le traduire de quelques autres manières :

  • démonter
  • déconstruire

De toute ces traductions, c’est celle de « démystifier » qui me parait le mieux représenter le concept, autant dans le principe que dans le but :

Selon le Larousse :

(Emploi critiqué.) Enlever à quelque chose son caractère mystérieux qui lui donnait un certain pouvoir, une certaine force. (sens 2)

Selon l’Internaute :

Détromper quelqu’un, lui montrer la réalité telle qu’elle est. (sens 1)

Au-delà de simples traductions ou définitions, le debunkage est un exercice qui consiste, face à une déclaration, à démontrer en quoi elle est fausse ou trompeuse.

Il s’applique à toute sorte d’information véhiculée par n’importe quel média. Cela peut aller du debunk d’une information isolée (comme celui-ci) à celui d’un documentaire complet (comme celui-là).

Un debunk comporte généralement trois étapes :

  • L’information debunkée est exposée telle quelle, sans déformation ;
  • Il est indiqué qu’il y a eu une manipulation et la nature de celle-ci ;
  • L’information réelle est rétablie, avec source.

Chaque information fausse est ainsi décortiquée minutieusement à la lumière des faits.  L’information en question peut être, plutôt que fausse, inappropriée pour l’usage qu’il en est fait ou tout simplement vraie.

Cela amène au fond du problème :

Pourquoi debunker ?

La désinformation est présente sur tous les médias, sur internet au moins autant que sur les autres : télévision, radio, littérature, etc… Il existe aussi de fausses informations mises à disposition ou relayées sans volonté de tromper. Ces deux pratiques ont cela de semblable d’affirmer la véracité d’informations pourtant fausses. Et malheureusement ce genre d’information se propage très rapidement pour de diverses raisons (voir cet article de Samuel Laurent).

En regard de cela, le debunkage est nécessaire : il permet d’abord de mesurer la proportion de vrai et de faux de l’affirmation concernée, et de transmettre cela à tout public assez critique pour vérifier la fiabilité de ce qu’il lit, écoute et voit. La médiatisation d’un débunkage, dans l’idéal, modère les conséquences potentiellement néfastes d’une fausse information.
Il ne s’agit pas de vouloir discréditer une source, mais de rétablir les faits, pointer les erreurs argumentatives, démontrer une fausseté quelle qu’elle soit.

Lorsque le debunkage met en évidence des manipulations manifestes sur un grand nombre des informations d’une même source, et surtout quand ces manipulations permettent de soutirer de l’argent ou soutiennent une idéologie (politique ou non), cela jette un discrédit sur la neutralité et la scientificité (quand la source se dit neutre ou scientifique) de cette source.

Il a aussi un rôle de sensibilisation, de transmission de l’esprit critique. Le debunkage compte autant dans son résultat que dans sa méthode. Dans la vérité que dans la manière d’y parvenir et surtout de la démontrer.

Souvent, il s’inscrit dans le mouvement du scepticisme scientifique qui lutte par nature contre les déformations de la science. Ces déformations sont extrêmement fréquentes et font systématiquement l’objet de debunkages.

 

En résumé, le debunkage permet de faciliter la vérification d’une affirmation pour tout un chacun, de limiter la propagation de la fausse information et à terme, si la manipulation est avérée, de jeter le discrédit sur une source d’information.  Ceci ne permet pas, rappelons-le, de considérer fausse toute information provenant de la dite source, mais enjoint à une prudence accrue à l’égard de cette dernière.

Quelques inconvénients…

Le debunk comporte malgré cela des inconvénients, autant pour son auteur que pour ceux à qui il s’adresse.

Créer une information fausse est quelque chose de facile, d’étonnamment facile. Même si c’est le cas pour beaucoup, toutes les informations qui sont debunkées ne sont pas de pures inventions, elles peuvent aussi bien être des croyances populaires ou des résultats de recherches sérieuses et bien menées.

En revanche, le debunk avec toute la rigueur qu’exige la méthodologie scientifique est extrêmement long : il demande de lire les études sur le sujet ainsi que les méta-analyses, d’en vérifier la fiabilité (se renseigner sur les critiques qui leur ont été faites et leur nature) et de consulter le consensus scientifique.

Bien sûr, la méthode scientifique ne permet pas de vérifier toutes les informations, notamment quand il est fait mention d’un événement récent. Mais ici aussi, le debunk est long : vérification des sources, consultation des sources alternatives ou encore prise de contact avec la source primaire pour lever une ambiguïté. Sans oublier la rédaction du debunk en lui-même, qui demande un travail de synthèse important.

Quand, pour des lecteurs neutres, les propos et le regard critique d’un debunk sont examinés sans a priori, un lecteur déjà adhérent à l’information debunkée peut voir dans le debunk une certaine violence. L’article de la Menace Théoriste en parle très bien.  Pour éviter cet effet de retour de flamme, qui risque de renforcer une croyance plutôt que de l’affaiblir, il existe la méthode de l’entretien épistémique qui permet de ne pas violenter frontalement les croyances.

debarbunk

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